Richard Gotainer, mon père et moi


Chers lecteurs, 

aujourd’hui, nous allons parler de sang. Des liens du sang. 
Cette semaine, mon papa a eu soixante-et-un ans, tous ses points retraite et une chaîne Hi-fi. 

L’autre jour, j’écoutais cette magnifique chanson que Benjamin Biolay a écrite pour sa fille, qui parle non pas d’amour et d’hirondelles* mais de ciel trop grand, de marée basse et de soleil sur la terrasse, et je dois bien avouer que je me sentais un peu flouée (ça fonctionne aussi avec Sarbacane de Francis Cabrel, pour celles qui préfèrent les moustachus). 

Je dirai comment, je dirai pourquoi, comme disait François Bégaudeau (dans un très chouette livre, Un démocrate Mick Jagger qui vient de reparaître chez Folio (mais la couverture de chez Naïve est bien plus jolie). Allez donc le voler sur Amazon ou bien l’acheter dans votre librairie préférée)(Admire, lecteur, comme je fais bien la publicité déguisée).

Donc, mon sentiment de tromperie ne vient pas du fait que j’aimerais être la fille d’une vedette de la chanson (d’autant plus que dans le cas qui nous occupe, je crois que je n’aurais pas survécu, terrassée par mon complexe d’Oedipe)(d’autant plus que mon papa ne sait pas chanter, j’ai hérité de ça aussi). Non. Mon regret c’est qu’en termes d’héritage, la seule chose que mon père m’ait dite, très certainement alors que je lui exposais une énième idée de collection idiote, c’est, je cite, « si tu te découvres une manie bizarre, ne cherche pas d’où ça vient, c’est dans tes gènes ». D’un côté, c’est bien arrangeant pour moi, je peux brandir le c’est pas ma faute qui est mon excuse préférée après j’sais pas, j’étais pas née et j’peux pas, j’ai piscine qui est bien la meilleure expression qu’on ait inventé depuis longtemps, je me suis couché de bonne heure

Encore, une fois on s’égare (enfin moi, parce que vous, je ne sais pas si vous me suivez). Mon père est un homme qui utilise des affiches de la Société Nationale des Chemins de fer Français pour en faire des posters (j’ai des preuves). Mon père est un homme qui, quand il était jeune, prétendait être James Monroe, frère de (ce qui, à la réflexion, est plutôt cool puisque cela fait de moi la nièce de)(j’ai des témoins). Comprenez-vous d’où viennent mes problèmes ?

Néanmoins, pour tout ce qui concerne l’éducation culturelle je n’ai rien à redire. C’est mon papa qui m’a offert Cent ans de solitude, c’est mon papa qui m’a emmené voir mon premier Wes Anderson et mon premier Michel Gondry (à Quimperlé qui plus est, je revois encore la salle du cinéma et les tagliatelles aux coquilles Saint-Jacques, que j’ai mangées avant la séance. Y a pas à dire, il y a vraiment des trucs qui marquent pour la vie). 

En revanche, côté musique j’ai des réclamations à faire. Je ne dirais rien sur Bobby Lapointe parce qu’il m’a amené à Truffaut. Mais, Richard Gotainer, merde quoi. Quel adulte responsable fait écouter Richard Gotainer à un enfant ? Après, on se demande pourquoi ma chanson préférée des Beatles, c’est Octopus’s garden… Je crois que pour me venger, je vais lui offrir le dernier album de Dany Brillant pour mettre dans sa toute nouvelle chaîne hi-fi. 

Il fut un temps où chaque fois que je commençais une question par « tu savais que… », la réponse était « oui ». C’est frustrant, vous savez. Mais l’autre jour, le monde (mon monde) a basculé. Savais-tu que tu étais né le même jour que Rimbaud, j’ai demandé à mon paternel, la classe à Dallas, j’ai ajouté. Non, il a répondu. Mais tellement fier, il m’a dit qu’il allait se mettre à la poésie sur ses vieux jours. Je n’ai pas osé lui que dire Rimbaud avait commencé plutôt jeune. Du coup, je lui ai conseillé le trafic d’armes. Sur le moment ça m’a semblé moins dangereux et plus lucratif que l’art poétique… 


* Je ne félicite pas ceux qui comprendront la référence.

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